Olivier Nineuil
Fondateur associé de Typofacto.
Dessinateur de caractères typographiques, enseignant, éditeur.
Quand avez-vous commencé à faire de la typo ?
Avant même d’apprendre à écrire ! J’ai toujours été fasciné par les lettres… Pour moi, inventer une typographie en relation avec un projet précis est une transcendance, c’est comme un dépassement de soi dans les formes de l’écriture. Cela me fascine et me passionne !
Quelle est votre formation ?
J’ai été prof de gym, j’ai fait de l’architecture navale, du film d’animation… mais le dessin de la lettre a toujours pris le dessus. J’ai passé un bac en arts appliqués (lycée Auguste Renoir à Paris). À 20 ans, en 1984, j’ai créé un studio de graphisme et de production audiovisuelle.
Vos premières créations de typographies sur mesure ?
En 1984, j’ai commencé à dessiner mes premiers caractères typographiques pour accompagner mes commandes d’identité visuelles et de génériques en images de synthèse. Puis les créations d’alphabets se sont enchainées, très variées, pour des éditeurs, des entreprises comme Club Med, Airfrance, ma collaboration avec Claude Picasso… et puis la fonderie américaine Monotype qui m’a proposé de publier l’une de mes créations personnelles, le Comedia. L’équipe s’est développée très vite, nous étions une douzaine !
Vous avez créé une fonderie de caractères et une maison d’édition ?
En 1990, avec l’auteur-illustrateur Yann Autret, j’ai co-fondé une fonderie de caractères et une maison d’édition de romans graphiques (Bonté divine ! s’écria-t-il.) dans laquelle pour chaque livre et pour chaque auteur, je faisais des typographies spécifiques. Au fil du temps, j’ai donc créé un nombre considérable de typographies sur mesure (plus de deux cents !) et dans des contextes très variés, pour des auteurs, des éditeurs, des marques des entreprises…
Vous animez des workshops sur la création typo ?
Dès le début de mon activité, j’ai enseigné la typographie (à Paris : Estienne, Corvisart, La Sorbonne, l’ECV Paris, l’ESAD Amiens…) et animé des workshops sur la création typo dans des écoles d’art et de design (Paris, Bagnolet, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille, Bordeaux, Caen, Épinal, Bruxelles, Sarajevo…). Ce que je fais avec mes étudiants, c’est de les aider à accoucher de leurs idées typographiques, je fais de la « maïeutique typographique ».
Votre occupation favorite ?
Être curieux, m’intéresser à tout ! Et me plonger dans mes carnets dans lesquels, j’écris, je dessine, un corpus typographique très personnel. Des idées, du dessin, de la typo, des histoires. Oui en effet, je suis un peu hyper-actif !…
Quelle est votre particularité ?
Rêver comme un poète et être précis comme une horloge, le métier de typographe réclame cette double dimension artistique et technique, que je cultive depuis que je le pratique…
Une rencontre ?
Beaucoup de rencontres… m’ont marquées et m’ont inspirées. Comme je suis autodidacte dans le domaine de la création de caractères, pour moi mes maîtres ont été essentiels. J’ai appris le métier grâce à quelques amis, le dessinateur de caractères Ladislas Mandel et le chercheur en typographie Gérard Blanchard. Mais également Roger Druet (calligraphe) et Jean Alessandrini (écrivain-typographe).
Et votre rencontre avec Albert Boton ?
Une amitié de 20 ans avec Albert Boton, le plus grand dessinateur de caractères français du XXe siècle ! Que j’ai la chance de côtoyer et qui me transmet sa passion du métier. D’ailleurs, je prépare une monographie sur son œuvre et un manuel de création typographique, avec toutes les « ficelles du métier ». Ces livres seront édités chez Typofacto et nous publierons également des caractères typographiques inédits (dans le courant de l’année 2022).
Êtes-vous impliqué dans des organisations professionnelles ?
Je suis impliquée dans les Rencontres Internationales de Lure… qui sont à la fois un observatoire et un forum de passionnés de langage, d’écritures et de communication visuelle. Une association formidable de bénévoles, qui existe depuis 63 ans ! À découvrir absolument !
Une expérience récente extraordinaire ?
Je fais des workshops dans des écoles de design et maintenant j’en fais également dans des écoles maternelles : une révélation ! Ce projet est né de ma rencontre avec Serge Selvestrel, un instituteur passionné par l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. On fait des ateliers dans sa classe et dans des bibliothèques. Notre objectif : faire aimer la lettre aux enfants. Un préalable pour donner envie d’apprendre à lire et à écrire, et pour faire aimer les livres.
Quel est votre rêve ?
Réconcilier dans l’écriture, le dessin libre et le dessin des mots, au plus proche des émotions. Et je me rapproche de ce rêve, car je prépare un roman composé dans une écriture littéraire « nouvelle », dans laquelle s’imbriquent le réel, les mots et la typographie. À paraître chez Typofacto, bien-sûr !
Ce que les gens disent de vous ?
Ma fille (qui a 11 ans) dit que …je suis un « magicien des lettres » !